La réforme introduite par le décret du 18 juillet 2025 consacre le principe de l’instruction conventionnelle comme nouveau mode de mise en état des affaires civiles. Elle est applicable à toutes les matières.
Ce dispositif, expérimenté dans plusieurs juridictions pilotes (Lille, Nîmes, Saint-Quentin, Compiègne et Grenoble), vise à renforcer la coopération entre avocats et magistrats, tout en simplifiant la procédure.
1.De la convention de procédure participative à la convention simplifiée
La convention de procédure participative aux fins de mise en état, restée peu utilisée en raison du formalisme de l’acte d’avocat, n’est pas abrogée, mais tend à tomber en désuétude.
La convention simplifiée de mise en état reprend son objectif d’efficacité tout en allégeant la forme : elle repose sur un accord entre les avocats.
Cette réforme s’inscrit dans une philosophie de justice coopérative, où les avocats pilotent la mise en état en concertation, sous le contrôle du juge. Celui-ci demeure garant du respect des principes directeurs du procès et peut à tout moment reprendre la main pour éviter les blocages.
2. Concrètement, comment faisons-nous ?
En pratique, l’accord de mise en état se négocie quelques jours avant ou après la première audience de mise en état indiquée sur l’assignation, dès que les avocats connaissent l’identité de leurs contradicteurs.
Aucun formalisme particulier n’est imposé pour cet accord. Toutefois, le Conseil national des barreaux (CNB) met à leur disposition un modèle de convention d’instruction conventionnelle, amené à évoluer au fil du temps. Il est consultable via le lien suivant :
Modèle de convention d’instruction conventionnelle du CNB (septembre 2025)
Une fois le calendrier de procédure défini d’un commun accord par les avocats plaidants, les avocats plaidants et postulants signent la convention.
Puis les avocats postulants la transmettent au juge de la mise en état ou au conseiller de la mise en état (pour les procédures écrites), ou encore au juge chargé de l’instruction (pour les procédures orales).
Cette transmission s’accompagne d’une demande de fixation d’audience de plaidoiries. Le juge réserve alors un créneau, permettant aux parties de connaître la date prévisible de plaidoirie de leur dossier. Ils sont ainsi fixés souvent dans les semaines qui suivent la délivrance de l’assignation.
La convention peut porter sur l’intégralité de la mise en état ou sur certains aspects du dossier.
Pour exécuter l’accord, les conclusions sont échangées selon les modalités classiques (RPVA), mais aux dates convenues au sein de l’accord.
Classiquement, le juge statuera sur les dernières conclusions de chaque Partie, lesquelles sont récapitulatives et reprennent leurs demandes au sein d’un dispositif suivi d’un bordereau de pièces.
Au terme de la mise en état conventionnelle, une fois que les échanges d’écritures et de pièces ont pris fin, si l’affaire est en état, elle bénéficie d’une fixation prioritaire à l’audience de plaidoirie.
En cas d’échec, la procédure de mise en état redevient judiciaire, sur mesure d’administration judiciaire du Juge de la mise en état ou chargé de l’instruction, sans retour à zéro : les écritures déjà produites entre les avocats sont conservées.
3. Effets et avantages procéduraux
La signature d’une convention simplifiée produit plusieurs effets :
- priorité d’audience pour les affaires traitées selon ce dispositif ;
- interruption du délai de péremption d’instance pendant la durée de la convention ;
- possibilité de proroger les délais par avenant, pour éviter toute inertie.
Les avocats fixent ainsi eux-mêmes le calendrier des échanges, sans attendre les audiences de mise en état souvent espacées de plusieurs mois. Nous évitons, en outre, tout aléa résultant des audiences de mise en état habituelles.
Le juge, lui, se concentre sur le fond des dossiers et sur la mise en état des affaires complexes, très conflictuelles ou menées sciemment de manière dilatoire, tandis que les dossiers prêts avancent plus vite.
4. Le rôle du juge
La mise en état conventionnelle n’est pas une déjudiciarisation : le juge demeure un acteur.
Deux formes de contrôle coexistent.
a. Le contrôle d’office
Au début de la mise en état, le juge doit être informé de l’existence de la convention, de sa durée, de sa portée (totale ou partielle) et de ses modalités. Il veille à ce que le droit au procès équitable et les principes directeurs du procès civil soient respectés. En cas de déséquilibre manifeste (par exemple, si une partie n’est pas représentée par avocat et qu’une autre lui impose un fonctionnement déséquilibré), il peut, par mesure d’administration judiciaire, reprendre la mise en état et fixer une audience dans un délai de quelques mois pour évaluer les progrès réalisés.
A tous stades de la procédure, le Juge peut décider d’instruire si les principes directeurs du procès ne sont pas ou plus respectés.
b. Le contrôle à la demande des Parties
Le Juge n’est pas le contrôleur de la façon dont la convention est mise en œuvre, en principe. Néanmoins, en cas de difficulté d’exécution de la convention, le juge peut être saisi par les Parties, par conclusions au JME ou au CME par RPVA en cas de procédure écrite, ou à l’oral en cas de procédure orale. Il peut convoquer les parties à une audience pour favoriser une résolution amiable, ou, à défaut, reprendre l’instruction de manière judiciaire. Cette flexibilité garantit la sécurité juridique des Parties.
En outre, si une Partie souhaite soulever une exception de procédure, une fin de non-recevoir, un incident ou demander au Juge une mesure conservatoire ou une mesure provisoire, elle saisit le Juge de ce point. Une audience sera organisée pour que le Juge statue classiquement sur ce sujet uniquement ; la mise en état reprenant son cours ensuite.
5. En conclusion :
La mise en état conventionnelle simplifiée devient le principe de droit commun, sans sanction automatique en cas de non-application : c’est un affichage symbolique d’une nouvelle culture procédurale fondée sur la confiance et la responsabilisation des acteurs.
Elle marque une évolution majeure du procès civil : elle permet de raccourcir les délais, désengorger les tribunaux et redonner de la maîtrise aux avocats sur le rythme de la procédure. Une gestion plus rapide et prévisible des affaires est attendue.
Textes applicables : articles 127 à 129-3 du Code de procédure civile, issus du décret du 18 juillet 2025, en vigueur depuis le 1er septembre 2025.
Coraline Favrel, avocat associé au Barreau de Lille,