La propriété littéraire et artistique, également appelée copyright ou droit d’auteur, ne protège pas tous les écrits. Pour une protection, le seul critère pris en considération est l’originalité. La personnalité de l’auteur, du créateur, de l’écrivain, du journaliste, doit nettement ressortir du texte. Si les magistrats admettent le plus souvent ce monopole à propos de certains romans, ils devraient l’écarter pour un livre de recettes ou de randonnées, simples successions d’instructions, objectivement listées.
Qu’en est-il des articles de La Voix du Nord ?
Le quotidien régional La Voix du Nord, au million de lecteurs journaliers, a été créé il y a 75 ans. Il compte 25 éditions distinctes, correspondant à 25 communes réparties dans les départements du Nord et du Pas de Calais. Il se veut le relai d’une information locale. La société éditrice de ce journal papier exploite également un site internet et des pages Facebook, éponymes.
Or, elle a découvert l’existence d’un compte Facebook intitulé « La Voie d’Henin » ayant pour slogan « Réinformez-vous sur l’actualité d’Hénin-Beaumont » et reproduisant certains de ses articles et une de ses photographies et son logo bleu, entre décembre 2015 et novembre 2016, ainsi que des communiqués de la mairie de cette ville.
A l’analyse, cette page de media social est administrée par un habitant d’Hénin-Beaumont, commune du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, devenu ensuite, adjoint au maire de celle-ci et directeur de publication du bulletin municipal.
La Voix du Nord a assigné ce dernier en contrefaçon et parasitisme.
Mais, pour la Cour d’appel de Paris, ceci est parfaitement licite !
La reproduction à l’identique des articles et images dans ce cadre, est possible.
La juridiction expose que des articles de la Voix du Nord, non signés, ne sont pas protégés au titre du droit d’auteur. Tout au plus, le ton et le rythme narratifs résultant d’effets de style relèvent d’un savoir-faire journalistique. Mais l’empreinte de la personnalité de leur auteur est absente. La Cour analyse la formulation desdits textes initiaux, et conclut qu’il n’y ni traitement personnel de l’information, ni marque de la sensibilité de l’auteur, mais l’énoncé bref d’évènements factuels ou d’informations objectives relatifs à la vie locale.
De même en est-il à propos du cliché photographique. La focale retenue, la distance ou le positionnement du photographe résultent de réglages. Mais des choix créatifs et esthétiques n’ont pas été opérés ; le photographe n’ayant pu imposer ses choix quant au placement, à l’attitude ou à la pose du sujet, l’éclairage ou la mise en scène.
Pas plus, la contrefaçon de marque ne saurait être admise, il n’y a pas d’utilisation du logo protégé du journal dans un but lucratif. En effet, si la page Facebook litigieuse relaie une opinion politique, elle est accessible gratuitement et ne contient pas de publicité commerciale. Son administrateur ne s’enrichit pas financièrement grâce à cette exploitation.
Pareillement, le parasitisme n’a pas été retenu car le Défendeur ne s’adresse pas à un public dans un cadre commercial ou professionnel.
Sur ce dernier point, la solution aurait très probablement été toute autre dans l’hypothèse d’une reproduction massive de données de la Voix du Nord et d’un nombre important d’abonnés à la page Facebook critiquée ; l’arrêt ne faisant pas été de cette dernière information (CA Paris, 22 sept. 2020, 077/2020).
Conseil pratique :
Concrètement et avant d’invoquer une quelconque contrefaçon de droit d’auteur, copie, plagiat, interrogez le créateur sur la manière dont il est parvenu à ce résultat, puis analysez sa marge de manœuvre, la raison des choix opérés : étaient-ils guidés par des impératifs techniques, usuels, nécessaires, ou non ? Ce n’est que dans cette dernière hypothèse, qu’une demande judiciaire en contrefaçon pourrait prospérer.
Coraline Favrel, https://carmen-avocats.com/coraline-favrel/