Face aux abus d’une expression instantanée, d’une portée inégalée, et anonyme ou sous pseudonyme, comment identifier l’auteur d’une infraction?
1. Hébergeur et fournisseur d’accès conservent des données d’identification.
La loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 oblige, aujourd’hui comme avant, tant l’hébergeur que le fournisseur d’accès à conserver les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu d’un service dont il est prestataire, durant un an. Concrètement, il s’agit des prénom et nom, adresses électroniques, identifiants, pseudonymes, adresses postales, informations relatives au paiement… (LCEN – art. 6 II).
2. Hébergeur ou fournisseur d’accès, auparavant sommé de communiquer de telles données sans débat préalable.
Cette obligation permettait alors au Juge d’ordonner à ces prestataires une communication de telles données d’identification, dans le cadre d’une requête présentée au Président du Tribunal compétent (art. 145 du Code de procédure civile). Une telle procédure sur requête a pour principe de ne pas permettre à la personne visée d’être informée et de pouvoir se défendre avant l’exécution de la mesure.
Mais désormais et depuis le 31 juillet 2021, une telle communication par voie de requête ne peut être ordonnée que pour les besoins d’une procédure pénale (loi 2021-998 du 30 juillet 2021 modifiant l’article 6 II de la LCEN et L.34-1 du CPCE).
Il est donc devenu impossible de requérir la révélation de l’identité du créateur d’un contenu sur internet dans un cadre civil, pour les personnes suspectées de contrefaçon, de concurrence déloyale, de dénigrement, de parasitisme, mais également de diffamation ou injure, d’atteinte à la vie privée ou à l’image d’une personne, ou toute infraction pénale poursuivie au civil.
Concrètement, et en cas de contrefaçon commise sur internet, la victime qui souhaiterait employer la requête de l’article 145 pour identifier l’auteur des actes illicites est contrainte d’agir au pénal. Or, une telle action dépend des diligences du Parquet. Rappelons, au surplus, qu’en matière pénale, une circulaire de la chancellerie de 2008 prévoit que l’action pénale en contrefaçon d’un droit de propriété intellectuelle relève de la compétence des tribunaux correctionnels ordinaires, non spécialisés, et qu’une telle action empêche toute résolution amiable et transactionnelle du litige… Compte tenu de la célérité de diffusion d’un contenu, et de la simplicité avec laquelle tout internaute peut mentir sur son identité lors de la création d’un compte et supprimer ce dernier dès la faute réalisée, une telle procédure présente peu d’intérêt.
3. Hébergeur ou fournisseur d’accès, sommé de communiquer de telles données, après un débat contradictoire.
Désormais, pour obtenir cette même levée d’anonymat, en cas d’action civile, il convient d’engager une procédure accélérée au fond. Celle-ci nécessite d’informer le prestataire internet (hébergeur ou fournisseur d’accès), lequel peut se défendre dans le cadre d’un échange de conclusions suivi d’une audience publique, avant la prise de décision par le Président du tribunal judiciaire (art. 6-I 8 LCEN – loi du 24 août 2021 n°2021-1109). Il s’agit, concrètement, d’un référé.
Conseil pratique :
Les procédures judiciaires sont régulièrement critiquées par leur longueur. La précision quant aux fondements juridiques employés dans le cadre d’une stratégie probatoire et procédurale s’impose.
Coraline Favrel, avocat associé, https://carmen-avocats.com/coraline-favrel/
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