Yuka, l’application jugée responsable de dénigrement

La concurrence déloyale par dénigrement est constituée lorsque des informations trompeuses sont de nature à jeter publiquement le discrédit sur un produit. Elle est également caractérisée lorsqu’elle porte sur un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle insuffisante ou qu’elle est exprimée sans mesure.

Dans un cas comme de l’autre, elle doit influencer le comportement économique des consommateurs et ne nécessite plus, pour être retenue, d’être invoquée par un concurrent mais par un acteur économique.

Illustration, avec une récente condamnation de propos tenus sur le blog Yuka, édité par la société française éponyme.

 

En France, ce sont près de 6 millions de personnes qui scannent régulièrement le code-barre d’un produit cosmétique ou alimentaire avec leur smartphone pour en connaître sa notation. La note et l’appréciation dévolues audit bien sur l’application Yuka vont alors influencer l’acte d’achat de ces utilisateurs.

L’application a trois ans. Pourtant sa rigueur scientifique est critiquée. Par exemple, le fait que les quantités de sel, de sucre et de graisse, la présence éventuelle d’additifs et le caractère bio du produit alimentaire soient les seuls critères d’évaluation de l’aliment est contesté par bon nombre d’études indépendantes ou organismes habilités à mener de telles mesures.

Sur cette application, Yuka édite un blog, qui compte 1,5 million de visiteurs uniques par mois. Or, un article de celui-ci, au titre « Halte aux emballages toxiques » et au sous-titre « Conserves et aluminium : à éviter au maximum » pointe les risques d’une consommation d’aluminium sur la santé humaine, lors de l’ingestion d’aliments vendus en boîtes de conserve.

La Fédération française des industries des aliments conservés s’est émue de ces propos auprès du Tribunal de commerce de Versailles.

Après avoir relevé que 80% des aliments en conserve est produit dans des boîtes en fer blanc et que les 20% comprenant de l’aluminium comporte un revêtement protecteur, la juridiction consulaire a condamné Yuka au titre du dénigrement et a ordonné, en référé, de mettre un terme au trouble manifestement illicite en supprimant les assertions à ce sujet, et ce, dans un délai de 5 jours après le prononcé de l’ordonnance et sous astreinte, passé ce délai, de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée (T. com. Versailles, ord. réf., 5 mars 2020).

En droit, si une information se rapporte à un sujet d’intérêt général et non pas à un produit spécifique, pour échapper au grief de dénigrement, elle doit :

  • reposer sur une base factuelle suffisante,
  • et être exprimée avec une certaine mesure.

En l’espèce, cette base était insuffisante. L’auteur s’était fondé sur un seul article d’un nutritionniste, traitant d’ustensiles de cuisine en aluminium, qui avait été extrapolé et dénaturé. Au surplus, le ton était exagérément alarmant et affirmatif. Enfin, Yuka, elle-même, s’enorgueillissait du fort impact de ses données sur le comportement économique des consommateurs.

Les critères du dénigrement sont remplis. Yuka n’a pas exercé un droit d’alerte en matière de santé publique. Elle n’a pas diffusé, de bonne foi, une information permettant d’éviter un risque grave.

Notons que bien que l’article litigieux était en ligne depuis plus de trois mois lors de l’assignation, la Juridiction a considéré l’urgence établie, en ce que plus le temps passe et plus le nombre de personnes ayant lu l’écrit augmente.

Conseil pratique :

Concrètement, les intérêts commerciaux des entreprises sont la règle, et la liberté d’information, l’exception. La critique est encadrée, en ce compris lorsqu’elle se trouve sur un blog ou une publication d’un réseau social. Le dénigrement peut être retenu à propos d’informations mensongères, mais également d’informations approximatives ou invérifiables.

Coraline Favrel, https://carmen-avocats.com/coraline-favrel/

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