L’audience de règlement amiable en propriété intellectuelle – concrètement

Tribunal judiciaire de Lille

L’audience de règlement amiable (également appelée ARA) est entrée en vigueur pour les litiges civils depuis le 1ᵉʳ novembre 2023. Il s’agit d’une nouvelle forme de déjudiciarisation des litiges en propriété intellectuelle souhaitée par la Chancellerie.

L’ARA est appliquée en propriété intellectuelle, notamment au sein des Tribunaux judiciaires de Paris et Lille. Elle ne l’est pas devant le Tribunal de commerce, et notamment concernant les contentieux en concurrence déloyale ou parasitisme.

Si l’ARA a pour but la résolution amiable du différend entre les parties, elle diffère de la médiation ; les deux constituant des modes alternatifs de règlement des différends (également dénommés MARD). Par l’ARA, le magistrat est acteur du règlement amiable et non pas seulement prescripteur.

1.   La convocation, et son effet sur la procédure en cours

La convocation à une audience de règlement amiable est effectuée par le juge, de sa propre initiative, après avoir recueilli l’avis des parties par écrit.

Elle peut se faire à tout moment de la procédure. En pratique, elle a lieu dès le début de la procédure, et plus précisément après la délivrance de l’assignation, l’enrôlement et la constitution de l’avocat de la Défenderesse.

Les parties peuvent être convoquées à une ARA par le juge du fond, des référés ou de la mise en état.

Cette convocation à l’ARA ne dessaisit pas le juge initialement saisi. Elle constitue une interruption de l’instance.

Plus rarement, la convocation est effectuée à la demande de l’une des parties.

2.   Comment se passe concrètement l’audience de règlement amiable

Confidentialité :

Ce qui est dit, écrit ou fait au cours de l’audience de règlement amiable, par le juge et par les parties, est confidentiel , sauf accord contraire des deux parties. L’ exploitation des propos ou écrits recueillis lors de l’audience, dans le cadre d’une autre procédure judiciaire, ou leur divulgation à des tiers, est strictement interdite.

Le contenu de l’accord recherché :

Le ministère de la Justice expose « les parties ont la possibilité de parvenir à un accord qui n’est pas nécessairement conforme à la solution qui aurait résulté de la stricte application des règles de droit, sous réserve du respect des dispositions d’ordre public ».

Le Juge :

L’audience de règlement amiable est tenue par un Juge, en chambre du Conseil, hors la présence du greffe. Ce Juge ne peut pas être celui qui traite le litige dans le cadre judiciaire.

Le seul objectif du Juge de l’ARA est de concilier les parties.

Le Juge de l’ARA doit :

  • assurer la confrontation équilibrée des points de vue des parties, 
  • évaluer leurs besoins, leurs positions et leurs intérêts respectifs,
  • rappeler aux parties les grands principes de droit applicables au litige pour leur permettre une bonne compréhension.

 Il peut :

  • consulter les conclusions régulièrement notifiées en amont de la décision d’orientation et se faire adresser les pièces échangées entre les parties et visées par les conclusions,
  • réaliser des apartés et proposer des solutions, mêlant ainsi les techniques de médiation et de conciliation,
  • décider d’entendre les parties séparément, assistées ou non de leurs avocats, 
  • procéder aux constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu’il estime nécessaires, en se transportant si besoin sur les lieux.

Les parties :

Elles doivent comparaître en personne, obligatoirement assistées de leur avocat, en propriété intellectuelle ; et la convocation le précise.

Elles peuvent :

  • proposer des solutions au litige,
  • éclairer techniquement le Juge,
  • convenir de recourir à un technicien qu’elles choisissent d’un commun accord, et dont elles déterminent ensemble la mission, et ce, par acte contresigné par avocat.

3.   Quelles sont les issues possibles de l’audience de règlement amiable ? Et leurs effets sur la procédure en cours

En cas d’accord :

Les parties peuvent demander au juge, assisté du greffier, de constater leur accord (total ou partiel).

Le juge informe ensuite le juge saisi du litige de la fin de l’audience de règlement amiable et lui transmet le procès-verbal d’accord, signé par les parties et le juge. Des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent être délivrés, valant titre exécutoire.

Les avocats des parties signifient des conclusions de reprise d’instance et de désistement, dans le cadre de la procédure judiciaire qui avait été suspendue. A défaut, l’affaire pourra être radiée pour défaut de diligences ; un nouveau délai de péremption commençant à courir à compter de la première audience devant le juge saisie de la procédure et ayant lieu postérieurement à l’ARA.

En l’absence d’accord :

Le juge peut y mettre fin à tout moment, de sa propre initiative, notamment en cas de manœuvres dilatoires, lorsqu’une personne s’engage dans une ARA sans véritable intention de résoudre amiablement un différend mais dans le but de retarder l’issue du procès.

À défaut d’accord, la procédure judiciaire reprend alors son cours, après que les avocats signifient des conclusions de reprise d’instance.

Dispositions législatives relatives à l’ARA 

  • articles 774-1 à 774-4 du Code de procédure civile, créés par décret n°2023-686 du 29 juill. 2023 ;
  • art. 369 al.6 du CPC concernant l’interruption de l’instance ;
  • art. 392 du CPC concernant le délai de péremption ;
  • art. 130 et 131 du CPC concernant le procès-verbal d’accord ;
  • circulaire du Ministre de la. Justice, 17 oct. 2023, NOR : JUSC232468C.

Coraline Favrel, avocat associé spécialiste en propriété intellectuelle

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