La procédure d’opposition à l’encontre de demandes de marques françaises a été modifiée, par décret du 9 décembre 2019, sur de nombreux aspects. Le timing quant aux échanges d’arguments et de pièces en est un.
Une marque qui empiète sur un monopole préexistant ou un droit antérieur peut être enregistrée par l’INPI, institut national de la propriété industrielle, en l’absence d’opposition sérieuse. Ceci ne donne cependant pas un blanc-seing à son titulaire puisque ladite marque encourt alors la nullité. Le titre ainsi obtenu est de façade.
Si l’INPI n’effectue pas d’examen de disponibilité pour enregistrer une marque, de sorte que de nombreuses marques non valables juridiquement sont quotidiennement admises par l’INPI, ce dernier doit trancher toute opposition qu’un titulaire de droit antérieur formerait à l’encontre d’une demande de marque sollicitée.
1. Un acte d’opposition en deux temps
La durée du délai permettant de former opposition devant l’INPI est toujours de deux mois à compter de la publication de la demande d’enregistrement de marque contestée. Mais dans ce délai, l’opposant peut se contenter d’indiquer à l’INPI qu’il forme opposition contre tout ou partie des produits et services d’une marque précisée et payer la taxe d’opposition de 400 euros, sans fournir son argumentation dans ce délai.
Il disposera alors d’un mois supplémentaire pour conforter son acte en versant aux débats son exposé des moyens quant aux signes, et celui relatifs aux produits et services visés, sans avoir à invoquer un quelconque motif pour bénéficier de ce mois supplémentaire (art.R.712-14 du Code de la propriété intellectuelle). Lorsque l’opposant insèrera son mémoire sur le site de l’INPI dans ledit délai, le déposant en sera à nouveau automatiquement informé.
Une telle démarche, en deux temps pour l’opposant, permet en pratique au déposant de la demande litigieuse, automatiquement et immédiatement alerté de l’existence de l’opposition et de son contenu, de se rapprocher du mandataire de l’opposant (ou de l’opposant, en absence de mandataire), pour tenter de trouver un accord pouvant éventuellement consister en une coexistence.
Elle est calquée sur la période dite de « cooling-off » ou de « réflexion » de l’opposition formée devant l’EUIPO contre les demandes de marques européennes. Il n’est en revanche pas possible de solliciter conjointement une prorogation de ce délai d’un mois supplémentaire, pour finaliser une transaction, contrairement à la procédure devant l’administration européenne.
2. Les arguments de l’opposant et du déposant de la demande de marque
Auparavant, le déposant ne pouvait répondre qu’une seule fois aux arguments de l’opposant, clôturant ainsi les débats jusqu’au projet de décision du Directeur de l’INPI. Et l’opposant n’avait d’autre choix que de contester le projet de décision, pour pouvoir répliquer aux assertions du déposant, qu’il considérait inopérantes.
Désormais, chaque partie dispose de plusieurs occasions pour faire valoir ses observations. Et il n’existe plus de « projet de décision. » A l’issue des échanges d’arguments et de pièces, le Directeur général de l’INPI rend une décision, laquelle peut faire l’objet d’un recours, devant une Cour d’appel.
Conseil pratique :
Exploitons ces nouveaux délais supplémentaires pour rechercher une issue amiable de coexistence, notamment lorsque l’exploitation projetée par le déposant sous cette marque est en réalité éloignée de celle de l’opposant, ou lorsque le déposant est disposé à retirer spontanément de sa demande de marque les produits gênants.
Coraline Favrel, https://carmen-avocats.com/coraline-favrel/